Chapitre 5 - Macabre découverte

Le matin s’éveillait doucement sur Azuri, mais au lycée, l’agitation montait déjà. Les élèves arrivaient les uns après les autres, leurs rires et leurs bavardages envahissant les couloirs. Pourtant, sous la surface de cette routine, une tension, presque imperceptible, flottait dans l'air. Vincent la ressentait depuis qu'il avait franchi les portes de l'école, quelque chose était différent.

 

Dans la salle de français, les élèves entraient petit à petit, s’installant à leurs places. Amélie, Alicia et Kristen arrivèrent ensemble, leurs rires et discussions animées se mêlant au brouhaha ambiant. Alicia, toujours élégante, écoutait Kristen avec un sourire en coin, tandis que Kristen, pleine d'énergie, racontait une anecdote amusante de la veille. Amélie, plus réservée, suivait la conversation avec son habituel sourire doux.

 

Une fois dans la salle, Amélie et Kristen s'assirent côte à côte, déposant leurs sacs sur les bureaux. Alicia, quant à elle, alla s'asseoir à côté d'Evan, échangeant un regard complice avec lui avant de s'installer confortablement pour le cours.

Vincent arriva un peu plus tard et se calla contre la fenêtre. 

 

Dans le fond de la classe, une bande de garçons s’échauffait, se lançant des boulettes de papier avec une bonne humeur incontrôlable. Quelques rires étouffés se faisaient entendre. C’était toujours comme ça avant que le professeur n’arrive, un dernier moment de liberté pour certains de ces adolescents turbulents.

« Vas-y, envoie ! » lança l’un des garçons, en renvoyant une boulette qui atterrit sur la tête de son voisin.

 

Mais, au milieu de ce chaos jovial, Alex — de son vrai nom Alexander —, un adolescent aux cheveux châtains soigneusement peignés, ne participait pas aux éclats de rire et aux échanges de boulettes de papier. Tandis que ses camarades s’amusaient, son regard s’était arrêté sur une scène bien plus captivante. Amélie, assise à quelques rangs de là, venait de passer une main délicate dans ses cheveux blonds. Le geste, pourtant anodin, l’avait soudainement hypnotisé.

Ses yeux verts, qu’il croisa brièvement, semblaient briller d’une lueur particulière. C’est incroyable, pensa-t-il. Ses pupilles, cernées d’un délicat anneau doré, donnaient l’impression de refléter des rayons de soleil, rendant son regard à la fois captivant et mystérieux. Pendant un instant, Alex se sentit complètement happé, comme si le monde autour de lui s’était ralenti.

« Eh Alex, t'as kéblo ou quoi ? » s’exclama son ami Yann en riant, remarquant l’immobilité étrange de son camarade.

Alex cligna des yeux, semblant sortir d’une rêverie. Il détourna rapidement le regard, mais une teinte rouge monta sur ses joues. Il se passa nerveusement la main dans les cheveux, tentant de cacher son embarras.

« Mais non, laisse tomber... » murmura-t-il, essayant de se reprendre. Mais ses amis n’étaient pas dupes, et le taquinaient déjà.

« Sérieux, Alex, t’es sur Amélie ou quoi ? Elle couche pas, hein, tu sais ? » lança un autre avec un rire gras, sans se soucier de la gêne palpable de son camarade.

Alex serra la mâchoire, sentant la chaleur monter à ses joues. Il tourna brusquement la tête vers son ami, son regard se faisant plus dur.

« Boucle-la, t'es lourd, » répliqua-t-il sèchement, ses yeux lançant des éclairs.

Le rire des amis d'Alex s’interrompit brusquement, surpris par l'éclair de colère qui venait de traverser son regard. Sans un mot de plus, Alex détourna les yeux et attrapa son sac avant de se diriger vers Vincent.

 

« Je peux m'asseoir là ? » demanda-t-il en désignant la chaise libre à côté de lui.

Vincent hocha la tête en signe d'approbation.

« Dis donc, ils ont l'air super intelligents, tes amis », lança Vincent avec une pointe d'ironie en observant les autres garçons un peu plus loin.

Alex jeta un coup d'œil en leur direction avant de hausser les épaules. « Ouais, enfin... on joue au foot ensemble, mais pour le reste, ils sont pas toujours très futés. Cela dit, ils sont pas méchants, je t’assure. »

Puis le jeune homme regarda furtivement vers Amélie, qui semblait absorbée dans une conversation avec Kristen. Elle n’avait rien remarqué, heureusement pour lui. Son cœur battait un peu plus vite. Ses potes pouvaient bien se moquer, mais il n’y avait pas de mal à admirer quelqu'un, non ?

 

Soudain, la porte de la salle s'ouvrit. Madame Elmyra Fibbs, la professeure de français, entra avec son air habituel, une sorte de calme mystique autour d'elle. Grande et élancée, elle avait toujours une présence imposante malgré sa voix chaleureuse et mesurée. Elle posa quelques livres sur son bureau et leva un sourcil, balayant la classe du regard. Le silence tomba instantanément, les boulettes de papier se volatilisant comme par magie. Personne n’osait défier l’autorité tranquille de Madame Fibbs.

« Bien, installez-vous, » dit-elle d'une voix douce, mais ferme.

Les élèves s’activèrent immédiatement, ajustant leurs livres de français sur leurs bureaux. Madame Fibbs parcourut du regard son classeur, puis leva les yeux vers ses élèves, ses prunelles marrons perçant le moindre signe d'inattention.

« Aujourd’hui, nous allons poursuivre notre travail sur la poésie. Nous allons explorer un texte de Rimbaud, Le Dormeur du Val. J’espère que vous avez bien relu ce poème. »

 

Vincent tentait de se concentrer sur le cours, mais ses pensées étaient ailleurs. Les événements de la veille, ces visions étranges, cette marque qui était apparue... Tout cela le hantait. Il fixait le livre devant lui, mais les mots n’avaient plus aucun sens. Juste derrière lui, Kristen lui jeta un regard curieux. Elle pouvait sentir qu'il n'était pas tout à fait là.

Madame Fibbs commença à lire à haute voix le poème, sa voix envoûtante remplissant la salle.

« C'est un trou de verdure où chante une rivière... »

Les élèves l’écoutaient en silence, captivés malgré eux par la mélodie des vers. Pourtant, même dans ce moment de calme, quelque chose dans l’air semblait décalé, comme une dissonance invisible.

 

Puis, sans prévenir, des bruits de pas pressés résonnèrent dans le couloir. Des murmures agités se firent entendre derrière la porte. Madame Fibbs s’interrompit, fronçant légèrement les sourcils.

Les chuchotements devinrent plus audibles. Quelque chose se passait dehors, et les élèves, maintenant inquiets, échangèrent des regards interrogatifs. Vincent sentit une tension monter en lui. Quelque chose n'allait pas.

Madame Fibbs posa son livre, se dirigeant lentement vers la porte. Elle l’entrouvrit pour jeter un œil dans le couloir et s’éloigna plus loin un instant. Mais la scène qu’elle découvrit sembla la perturber. Elle referma rapidement la porte derrière elle et se tourna vers la classe, son visage plus grave que d’habitude.

 

Kristen se tourna immédiatement vers Vincent. « Tu crois qu’il se passe quoi ? » demanda-t-elle à voix basse.

Vincent haussa les épaules, mais il ne pouvait ignorer cette sensation grandissante d’une menace imminente. La tension dans l'air devenait presque palpable. Quelques secondes plus tard, des cris étouffés et des bruits de pas précipités envahirent le couloir. D'autres élèves, visiblement choqués, passèrent devant la porte, certains pâles, d'autres les yeux écarquillés.

Vincent ne pouvait plus rester assis. Il se leva brusquement, attirant l’attention de Kristen.

« Viens, il faut qu’on voie ce qui se passe, » dit-il en chuchotant.

Kristen hocha la tête, visiblement aussi intriguée que lui. Ils quittèrent leurs places discrètement et se glissèrent hors de la salle, suivant le flot d’élèves qui se dirigeait vers l’escalier du sous-sol.

Le hall était en ébullition. Un groupe d’élèves s’était massé près de l’escalier qui menait au sous-sol du lycée. Les visages, marqués par la peur et l’inquiétude, se tournaient les uns vers les autres, cherchant des réponses.

« Ils ont trouvé un corps... » entendit Vincent.

Son cœur s’emballa. Ce n’était plus une simple rumeur, mais une réalité effrayante. Une élève avait découvert un corps dans le sous-sol de l’école. Il y avait des policiers sur place, et les rubans de sécurité avaient déjà été installés.

 

Vincent chercha instinctivement son père des yeux. Fabrice était là, en uniforme, échangeant des mots avec ses collègues policiers. Il savait qu’il devait s’éloigner, mais sa curiosité était trop forte. Il jeta un regard à Kristen, qui lui fit un signe de tête pour lui dire de faire attention. La gravité de la situation n’échappait à personne.

C’est alors qu’il aperçut Ananda Pravesh, une élève de seconde, assise sur les marches d’escaliers, secouée par des tremblements. Ananda avait été la première à découvrir le corps, et la terreur dans ses yeux en disait long sur l’horreur de la scène.

Vincent s’approcha doucement d’elle, son cœur battant à tout rompre.

« Ananda, c’est Vincent. Est-ce que tu peux me dire ce que tu as vu ? » demanda-t-il d’une voix douce, presque hésitante.

Ananda leva lentement les yeux vers lui, ses mains tremblant toujours.

« Je suis allée dans le sous-sol pour chercher des fournitures pour le club de théâtre... » dit-elle d'une voix faible, presque brisée. « Quand je suis entrée, il était là... Allongé par terre, il y avait du sang... des marques... sur son corps... »

Vincent sentit un frisson glacé courir le long de sa colonne vertébrale. Des marques. Ces mots résonnaient en lui, rappelant les visions qu’il avait eues, les symboles gravés dans l’arbre de la forêt Émeraude, la propre marque qu’il avait sur lui! Il échangea un regard inquiet avec Kristen. Ce n’était pas une coïncidence.

 

Mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, Fabrice s’approcha, son visage fermé. Il posa une main ferme sur l'épaule de son fils.

« Vincent, ce n'est pas un endroit pour toi. Retourne en classe, maintenant. »

Vincent acquiesça devant son père, mais il savait qu'il ne pouvait pas simplement ignorer ce qui se passait. Dès qu'il fut hors de vue, il chercha désespérément une autre entrée vers le sous-sol. Mais la tâche s’avérait plus compliquée qu’il ne le pensait. Il ne connaissait pas suffisamment bien les lieux pour savoir où se diriger. Alors qu'il errait, une étrange sensation s’empara de lui.

Soudain, Vincent eut l’impression étrange que le sol se dérobait sous ses pieds. Il vacilla, comme si une force invisible l'avait privé de toute stabilité. Ses pieds ne touchaient plus le sol. Le monde autour de lui se troubla, devenant flou, presque irréel. Un léger son, à peine perceptible — un woush —, résonna, comme un souffle étouffé venant de nulle part.

 

Il n'eut pas le temps de réagir, ni même de comprendre ce qui se passait. Une lumière vive, aveuglante, jaillit soudain de nulle part et l’enveloppa complètement. Pendant un instant, tout sembla s’arrêter. Le temps, l’espace, ses propres pensées — tout fut figé, suspendu dans ce moment irréel. Son cœur battait à tout rompre, comme s'il pressentait l'inéluctable, quelque chose d’inconnu, de puissant, qui échappait à toute logique.

Puis, en un clin d’œil, tout bascula.

 

Vincent fut submergé par une sensation vertigineuse, un sentiment de chute, mais sans mouvement réel. Il avait l'impression d'être aspiré, comme si son corps se dissolvait dans l'air, traversant un vide inconnu. La réalité semblait s'effondrer autour de lui, se repliant sur elle-même, avant de le propulser ailleurs. Chaque fibre de son être vibrait, comme déconnectée de la gravité et de l’espace. Un instant, il n’était plus qu’une particule dans l’immensité, flottant sans ancrage.

Puis, brutalement, tout redevint tangible. Le sol retrouva sa consistance sous ses pieds, l’air lourd et oppressant du sous-sol du lycée l’entourait à nouveau. Son corps se réaffirma, mais ses jambes, encore tremblantes, faillirent le lâcher. Essoufflé, son cœur tambourinant dans sa poitrine, il ouvrit grand les yeux, tentant de comprendre ce qui venait de se produire.

Il se tenait dans le sous-sol du lycée.

La surprise le cloua sur place. Comment était-il arrivé ici ? Quelques instants auparavant, il était encore à l’extérieur, cherchant un moyen d'entrer discrètement. Et maintenant, il se retrouvait là, dans ce sous-sol lugubre, sans avoir fait un seul pas pour y accéder. La panique monta en lui, se mêlant à une confusion totale. Son esprit refusait de comprendre, cherchant désespérément une explication rationnelle. Mais aucune ne venait.

Il porta la main à son torse, là où la marque brûlait doucement, pulsant comme un cœur indépendant. Était-ce... cela ? Un pouvoir ? Une capacité qu'il ignorait jusque-là ? Le souffle court, Vincent lutta pour reprendre son calme, mais son esprit était en ébullition. La téléportation… était-ce possible ? Avait-il vraiment traversé l’espace en un instant, sans même le vouloir ? Une vague de vertige le saisit, et il dut s’appuyer contre le mur froid pour ne pas vaciller.

La nausée le gagna, mélange de l’adrénaline qui inondait son corps et de la surprise violente de cette découverte. Son cœur continuait de battre à un rythme affolé, comme s’il n’arrivait pas à rattraper ce qui venait de se passer. Vincent inspira profondément, tentant de calmer les tremblements qui secouaient ses mains. Il devait se concentrer. Peu importe comment il était arrivé ici, il était là maintenant.

 

Il alluma son porte-clefs lampe de poche qu'il avait  avec lui, son faisceau tremblant éclairant lentement l’espace autour de lui. Les formes des vieux cartons et des meubles abandonnés prirent forme dans l'obscurité pesante du sous-sol. Chaque pas qu’il faisait résonnait étrangement, comme si le moindre son se répercutait contre les murs de cette pièce étouffante. Il avançait prudemment, son esprit encore embrouillé par ce qu'il venait de vivre, ses sens aux aguets.

 

L’air était oppressant, saturé d’humidité, et portait une odeur métallique persistante, presque suffocante. Chaque respiration devenait plus difficile, comme si le sous-sol lui-même pesait sur lui, l’enfermant dans son atmosphère lugubre.

Le faisceau de sa lampe finit par tomber sur une scène qui le figea sur place. Le corps du jeune homme était là, gisant au sol. Ses membres étaient raides, figés par la mort, et son visage portait l’empreinte d’une terreur indicible. Mais ce qui glaça le sang de Vincent, ce furent les symboles gravés sur sa peau. Exactement les mêmes que ceux qu’il avait vus dans ses visions, et sur l’arbre de la forêt Émeraude.

Il sentit sa gorge se serrer, son estomac se nouer. Était-ce le choc de cette téléportation soudaine ou la scène macabre devant lui ? Il n’aurait su le dire, mais il réprima avec difficulté un haut-le-cœur, luttant pour empêcher le vomi de monter. L’air semblait se refermer sur lui, mais il ne pouvait détourner le regard de ces symboles, comme s’ils contenaient une vérité qu’il n’était pas encore prêt à affronter.

 

Soudain, la marque sur son torse se mit à pulser, projetant une chaleur presque insupportable à travers son corps. Vincent recula, suffoquant sous la pression de l’énergie qu'il ressentait. Il savait que tout cela était lié, mais pourquoi ? Et comment ?

 

Avant qu’il ne puisse réfléchir davantage, il entendit des bruits de pas approchant. Pris de panique, il éteignit sa lampe et se cacha derrière une pile de cartons, retenant son souffle. Son père entra dans la pièce avec un autre policier.

« Fabrice, tu as déjà vu des choses comme ça ? » demanda l'un des policiers.

« Non, jamais, » répondit Fabrice, sa voix grave. « Mais ça ressemble à un rituel. »

Vincent écoutait avec attention, mais une multitude de questions tourbillonnaient dans son esprit. Pourquoi son père parlait-il de rituel ? Et surtout, comment pouvait-il en savoir autant sur ce sujet, lui qui semblait toujours si éloigné de tout ce qui était irrationnel? Il savait qu'il devait s'éclipser avant d'être repéré, mais une chose était certaine : il devait découvrir la vérité.

Profitant d’un moment d’inattention des policiers, il se faufila hors du sous-sol, laissant derrière lui une scène qu’il n'oublierait jamais.

 

De retour à l’air libre, Vincent inspira profondément. La chaleur du jour contrastait brutalement avec la froideur suffocante de l’espace. Ses mains tremblaient encore. Il n'arrivait pas à se défaire de l'image des symboles gravés sur la peau de la victime, ni de l'intensité de la pulsation de sa propre marque. Cela ne pouvait pas être un hasard.

Le cœur battant, il chercha Kristen des yeux. Elle se trouvait dans la cour, entourée de quelques amis, mais son regard scrutait la foule avec impatience, comme si elle attendait quelque chose. Quand elle aperçut Vincent, elle quitta immédiatement son groupe et se dirigea vers lui, l'air inquiet.

 

« Vincent ! » dit-elle à voix basse, le prenant à part. « Où t’étais ? J'ai entendu dire que c'était horrible là-bas. »

Vincent hocha la tête, incapable de formuler ce qu'il avait vu.

« Kristen... » murmura-t-il en jetant un coup d'œil autour de lui, s’assurant que personne ne les écoutait. « Il y avait des symboles. Les mêmes que dans mes visions. »

Kristen écarquilla les yeux, sa bouche formant un "O" silencieux. Elle attrapa Vincent par le bras, l'entraînant dans un coin plus isolé, derrière un vieux bâtiment de l'école. Ils devaient parler, mais pas ici, pas au milieu de tout ce monde.

« Tu es sûr ? » demanda-t-elle, la voix tremblante d'inquiétude et d'excitation.

« Oui, c'était clair. Les mêmes gravures que sur l’arbre dans la forêt. Et la marque sur mon torse… elle s'est mise à vibrer, c'était insupportable. » Vincent passa une main nerveuse entre son cou et sa poitrine, où la marque semblait encore légèrement faire part de sa présence.

« Ça veut dire que ce qui t'arrive est lié à cette mort, » murmura Kristen, plus pour elle-même que pour Vincent. « On doit en savoir plus. je suis allergique aux livres d’habitude mais peut-être que la bibliothèque de la ville peut nous aider. »

Vincent acquiesça, l’esprit embrumé. La bibliothèque d'Azuri leur était familière, enfin c’était surtout un endroit où traîner pour eux. Ce lieu recelait de vieux manuscrits, de livres poussiéreux et de récits anciens que plus personne ne semblait consulter. Si quelque chose dans cette ville étrange détenait des réponses, c’était probablement là-bas.

« Oui, tu as raison. On ira après les cours, mais il faut faire attention. Je crois que quelqu'un cherche à nous atteindre. »

Kristen hocha la tête. Son visage était sérieux, mais déterminé. Malgré la peur qui montait en elle, elle ne laisserait pas Vincent affronter tout cela seul.

“Et au fait Kris, je crois que je me suis téléporté”

L’adolescente écarquilla les yeux “ah ouais je crois que tu as encore des choses à me raconter!”

La cloche retentit, coupant leur conversation et rappelant les élèves à leurs classes. 

 

Après la fin des cours, Vincent et Kristen se retrouvèrent rapidement à l’extérieur du lycée. Ils prirent la direction de la bibliothèque d’Azuri, située non loin de la place centrale, tandis que Vincent évoquait avec de grands gestes son moment de téléportation. Kristen le suppliait de réessayer de se téléporter tandis que Vincent, plissant les yeux de toutes ses forces, ne sembla obtenir rien d’autre si ce n’est un petit pet qui lui échappa. Kristen se pinça le nez faisant mine de dégoût, tandis qu’ils arrivèrent devant une vieille bâtisse, aux murs de pierre couverts de lierre. La bibliothèque avait une allure austère, presque intimidante. Mais pour eux, c’était un lieu familier, un refuge où ils espéraient trouver des réponses.

À l'intérieur, le silence régnait. Les étagères, pleines de vieux livres poussiéreux, semblaient veiller sur le lieu comme des sentinelles immuables. L’odeur du papier vieilli et du cuir usé emplissait l’air, donnant à l’endroit une atmosphère à la fois paisible et solennelle.

« On commence par quoi ? » demanda Kristen un peu bruyamment tandis que la bibliothécaire lança un “chut!” radical.

Les deux ados se retenaient de rire puis Vincent reprit son sérieux pour parcourir du regard les différentes sections. Ils s’étaient souvent perdus dans les rayonnages lors de leurs précédentes visites, mais cette fois, ils n’étaient pas là pour jouer. Chaque minute comptait.

« Je pense qu’on devrait chercher dans la section des anciennes civilisations et des croyances locales. Si les symboles sont liés à Azuri, il doit y avoir quelque chose ici. »

Ils se mirent à fouiller, parcourant les vieilles reliures, feuilletant des livres poussiéreux. Le temps semblait s’étirer, les minutes se transformant en heures alors qu’ils déchiffraient des textes anciens. Kristen attrapa un ouvrage épais, relié de cuir brun, et souffla sur sa couverture pour en chasser la poussière. En l’ouvrant, elle s’arrêta brusquement.

« Regarde ça, Vincent, » dit-elle en lui montrant une page jaunie par le temps.

Vincent se pencha pour observer. Le livre décrivait une ancienne civilisation qui aurait habité les environs d'Azuri des siècles auparavant. Leurs croyances mystiques semblaient impliquer des rituels étranges un peu trop complexes et dégoutants à vrai dire.

« Ces symboles… » murmura Vincent en traçant du doigt les lignes complexes qui ornaient les pages. « Ce sont exactement ceux que j’ai vus sur le corps et sur l’arbre dans la forêt. »

Kristen hocha la tête puis elle fit signe à Vincent, son regard pointant la bibliothécaire. Elle macha alors son chewing gum bruyamment et fit une bulle énorme qu’elle fit éclater pour dissimuler le bruit de la page qu’elle déchirait sur ses genoux. 

Vincent haussa les sourcils alors que la maîtresse des lieux les attaqua d’un autre “chut!!!!” réprobateur. “Ok je crois qu’il est temps de partir”, affirma-t-il.

Kristen acquiesça, soulagée de ne devoir passer plus de temps à ingurgiter les acariens de ces bouquins séculaires.

 

Ils quittèrent alors la bibliothèque tandis que  la lumière du crépuscule baignait la ville d'Azuri, et malgré la beauté de l'instant, une inquiétude sourde pesait toujours sur leurs épaules.

Leurs destins étaient désormais liés à ces mystères, et ils savaient qu'ils devaient se préparer à affronter des forces qui les dépassaient.

 

Le soir, après être rentré chez lui, Vincent s’installa devant son ordinateur. Il espérait pouvoir échanger avec Kristen via MSN Messenger. L’écran s’alluma, et il attendit quelques instants que la connexion s’établisse. Son cœur battait encore sous l’effet des découvertes de la journée. Chaque instant semblait désormais porteur de mystères.

Mais Kristen n'était pas encore connectée. Alors qu’il patientait, la petite fenêtre de messagerie émit un son familier. Une nouvelle conversation venait de s’ouvrir. Vincent cligna des yeux, surpris de voir qu’il s’agissait d’Alicia.

 

Alicia : Salut Vincent, ça va ?

Vincent sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Il n'avait pas prévu de discuter avec elle, mais quelque chose dans ce message le réconforta. Peut-être qu’un peu de normalité dans cette journée suffirait à calmer ses esprits.

Vincent : Salut Alicia, ça va. C’était une journée étrange au lycée… Tu as entendu ce qui s’est passé ?

Alicia : Oui, c’est terrifiant. D’ailleurs, je voulais te parler parce que tu semblais vraiment perturbé ce matin. C’est à cause de ton œil au beurre noir ou c’est pour l’élève?

Vincent soupira. Son mensonge de la veille ne tenait plus très bien, mais il ne voulait pas non plus lui parler de tout ce qui se passait. Pas maintenant, du moins.

Vincent : Non, t’inquiète, je suis juste tombé hier soir. Rien de grave.

Alicia répondit presque aussitôt.

Alicia : Tu es sûr ? Si tu as besoin d’en parler, je suis là.

Vincent hésita avant de taper à nouveau. Ses doigts flottèrent un instant au-dessus du clavier.

Vincent : D'ailleurs, ça te dirait d’aller boire un café au Lemon après les cours demain ? Juste pour discuter. Puis il se rendit compte que ce qu’il venait de dire pouvez ressembler à un RDV - On peut aussi demander à d’autres gens sympas de la classe, Amélie, Evan, Kristen bien sûr ? 

Il envoya le message, à demi satisfait d’avoir récupéré sa bourde. Pendant quelques secondes, il ne se passa rien, puis Alicia répondit.

Alicia : Avec plaisir. On se retrouve demain alors. Bonne nuit Vincent.

Vincent : Bonne nuit Alicia.

Vincent se déconnecta, se sentant légèrement apaisé, mais ses pensées revenaient encore et toujours aux symboles, aux visions et aux mystères d’Azuri. Demain était un autre jour, mais il ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu'il découvrirait ensuite.