Chapitre 3 - L'appel de la forêt Émeraude
Vincent se réveilla le lendemain avec une étrange sensation de calme, comme si la tempête de la veille avait laissé place à une mer d’huile. Les événements tumultueux de la veille étaient encore frais dans son esprit, mais il devait se concentrer sur la journée qui s'annonçait. Il se prépara rapidement, enfila des vêtements confortables et descendit les escaliers en essayant de ne pas attirer l'attention de son père.
Dans la cuisine, son père, Fabrice, était aux fourneaux, préparant le petit-déjeuner. Il déposait des pancakes sur la table, une expression concentrée sur le visage. La nuit dernière semblait n’avoir jamais eu lieu pour lui.
Vincent s'installa à table, essayant de paraître normal malgré l'inquiétude qui le rongeait. Son père jeta un coup d'œil à Vincent avant de retourner à sa cuisson. Le silence lourd ne fut rompu que par le tintement des couverts sur les assiettes.
À l'école, alors qu'il rangeait ses affaires dans son casier, Alicia l'aborda.
"Vincent, qu'est-ce qui t'est arrivé à l'œil ?" demanda-t-elle en fronçant les sourcils, une note de préoccupation dans la voix.
Vincent lui mentit maladroitement. "Je suis tombé en allant chercher un verre d’eau la nuit dernière."
Nolan arriva derrière Alicia et d’un geste fluide, il l’enlaça avec assurance, ses bras entourant sa taille comme une possession naturelle, rappelant à Vincent, avec une clarté presque brutale, la réalité de leur relation. Cette proximité entre eux, l’intimité de ce simple geste, raviva en Vincent une gêne qu'il ne parvint pas à dissimuler. Son regard, qui un instant plus tôt avait erré ailleurs, revint se fixer sur la scène, frappé par la brusque prise de conscience.
Nolan, sans lâcher Alicia, tourna lentement la tête vers Vincent, un sourire en coin étirant ses lèvres, empreint d’une condescendance à peine voilée. "Tombé, hein ?" dit-il d’une voix traînante, mesurée, laissant chaque mot planer avec un léger mépris. "Fais attention la prochaine fois, mec." Sa voix, suave mais acérée, tranchait l’air avec une fausse bienveillance, comme un avertissement déguisé sous le masque de la camaraderie. Ses yeux, eux, disaient tout autre chose : ils brillaient d’un éclat froid, un mélange de défi et de supériorité, comme s'il savourait secrètement l'effet que son geste avait sur Vincent.
Vincent ressentit un profond malaise face aux mimiques de Nolan, ces petites expressions subtilement moqueuses, à peine visibles mais suffisamment présentes pour le piquer là où ça faisait mal. Ce sourire en coin, cet air de supériorité à peine dissimulé, commença à faire monter en lui une irritation qu’il eut du mal à contenir. Cependant, plutôt que de se laisser emporter, Vincent décida de répliquer sur un terrain où Nolan ne s’y attendrait peut-être pas.
Lentement, un sourire s'étira sur le visage de Vincent, calculé, presque insolent. Il fit un pas en avant, réduisant la distance qui les séparait, ses yeux fixant Nolan avec une intensité croissante. En se rapprochant, il réalisa à quel point il le dominait physiquement maintenant. Vincent était plus grand, plus imposant, et il le savait. « J’imagine qu’en prenant tous ces centimètres l’été dernier, ça a perturbé mon champ de vision », lança-t-il, sa voix calme mais teintée d’une ironie mordante. « J’ai du mal avec les proportions maintenant. » Il prononça ces mots tout en continuant de s'avancer vers Nolan, chaque pas mesuré, calculé pour accentuer l'effet de sa taille.
Nolan, qui jusque-là affichait toujours ce sourire narquois, commença à perdre un peu de son assurance. Le changement de dynamique était évident. Vincent, désormais plus grand, s’imposait dans l’espace de Nolan, le surplombant littéralement. Ce n'était plus seulement une question de stature physique, mais aussi de contrôle. L’été avait vu Vincent grandir de manière spectaculaire, et cette croissance subite avait définitivement inversé les rôles. Là où autrefois il devait lever les yeux pour croiser le regard de Nolan, maintenant c’était ce dernier qui devait lever la tête.
Vincent se rapprocha encore, suffisamment pour que Nolan ressente la tension dans l'air, cette pression invisible mais bien présente. Il s’arrêta enfin, son visage à peine à quelques centimètres du sien, les yeux plantés dans ceux de son « ami ». Le message était clair : la donne avait changé, et Nolan n’était plus en position de supériorité.
Nolan esquissa un sourire crispé, mais cette fois, la confiance habituelle dans son regard avait vacillé. Il détourna légèrement les yeux, gêné par la proximité imposante de Vincent et par le changement soudain de dynamique entre eux. Il tenta de rire, mais le son était forcé, loin de la désinvolture avec laquelle il parlait habituellement. « C’est bon, détends-toi, » lâcha-t-il d’une voix qui se voulait légère, mais qui trahissait une nervosité palpable. « C’était juste une blague. »
Le ton de Nolan manquait de son assurance habituelle, et l'ombre d'un doute passa brièvement sur son visage. Ce qu'il avait dit quelques instants plus tôt, accompagné de son sourire en coin, n'était pas censé provoquer cette réaction. Il avait l’habitude de jouer avec les mots, de maintenir une certaine supériorité avec ses petites piques, mais cette fois, les rôles s’étaient inversés plus vite qu’il ne l’aurait anticipé.
Sa tentative de désamorcer la tension tomba à plat. La légèreté qu’il essayait d’imposer dans ses mots ne parvint pas à masquer le léger tremblement dans sa voix. Pour la première fois depuis longtemps, il semblait déstabilisé face à Vincent, comme s’il réalisait qu’il avait peut-être poussé trop loin, ou du moins, qu'il n'avait plus autant de contrôle sur la situation qu’il ne le pensait.
Vincent repensa alors à son passé avec Nolan. Leur amitié avait débuté dès leur entrée en sixième, lorsque, par un heureux hasard, ils s'étaient retrouvés dans la même classe. Vincent et Nolan étaient rapidement devenus proches, partageant une passion commune pour la lecture ainsi qu'une curiosité naturelle pour les mystères du monde qui les entourait. Ils avaient passé de nombreuses heures à discuter, à inventer des histoires fantastiques, et à rêver d'aventures épiques, toujours côte à côte.
Pourtant, malgré leur lien fort, il y avait toujours eu quelque chose de différent chez Nolan. Dès les premiers signes de harcèlement que Vincent avait subis de la part de certains garçons de leur classe, Nolan avait commencé à se montrer distant. Il n'avait jamais été du genre à se confronter directement aux autres, préférant éviter les conflits et rester en dehors des problèmes. Lorsque les insultes et les moqueries à l'encontre de Vincent avaient commencé, Nolan s'était contenté de détourner le regard, faisant semblant de ne rien voir. Vincent, bien que blessé par l'attitude de son ami, avait essayé de comprendre. Peut-être que Nolan avait simplement peur de devenir lui-même une cible, ou peut-être qu'il ne savait pas comment réagir face à la cruauté des autres.
Au fil des mois, cette distance s'était creusée. Nolan continuait de parler à Vincent, mais quelque chose avait changé. Il ne l'accompagnait plus lorsqu'il se rendait à l'école, ne riait plus aux mêmes blagues, et surtout, il ne prenait jamais sa défense lorsque les autres s'en prenaient à lui. Vincent avait tenté de faire comme si de rien n'était, espérant que les choses s'arrangeraient d'elles-mêmes, mais il savait au fond de lui que leur amitié n'était plus ce qu'elle avait été.
Puis au fur et à mesure du temps, Nolan devint plus mesquin, plus imbu de lui-même, surtout quand il sauta une classe en fin de 5ème. Ce tournant, bien que justifié par les excellentes notes de Nolan, avait été un choc pour Vincent. Et comme si cela ne suffisait pas, peu de temps après, Nolan avait commencé à sortir avec Alicia, celle dont Vincent était secrètement amoureux.
Aujourd'hui, alors qu'il voyait Nolan et Alicia passer ensemble, main dans la main, Vincent ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui aurait pu se passer si Nolan n'avait jamais tourné le dos à leur amitié. Mais ces pensées étaient inutiles. Le passé ne pouvait être changé, et Vincent savait qu'il devait trouver un moyen de continuer à avancer, même si cela signifiait laisser derrière lui tout ce qu'il avait autrefois tenu pour acquis.
Alicia dû sentir que Vincent aller répliquer car elle le coupa soudainement, en avançant que les cours allaient commencer.
Dans tous les cas, ce passé semblait moins important face aux événements étranges qui subjuguaient Vincent. Durant la journée, il ne pouvait se débarrasser d'une sensation étrange, comme si quelque chose l’appelait. Les cours se déroulaient normalement, mais son esprit était ailleurs. Lors de la pause déjeuner, il s’isola dans un coin du campus, perdu dans ses pensées.
C’est alors que tout autour de lui sembla s’éteindre. Les rires des élèves, le bruit de la cour, et même le bourdonnement de ses pensées s’estompèrent soudainement, comme si le monde avait été plongé dans une sorte de brouillard silencieux. Une étrange sensation s’empara de lui, un mélange de déjà-vu et de mystère, comme s’il était sur le point de découvrir quelque chose d’important, mais qui lui échappait encore. Puis, d’un seul coup, une vision éclata dans son esprit, si vive et si claire qu’il en eut le souffle coupé.
La forêt Émeraude apparut devant lui, aussi réelle que s’il y était. Les arbres imposants, leurs troncs couverts de mousse épaisse, s’élevaient haut dans le ciel, leurs cimes se balançant doucement au gré du vent. Leurs feuilles, d’un vert éclatant, semblaient presque vibrer d’une énergie mystérieuse, comme si la forêt elle-même était vivante, consciente de sa présence. Une lumière tamisée perçait à travers les branches, baignant le sol d’une lueur douce et irréelle. C’était un endroit à la fois accueillant et inquiétant, comme si la nature y cachait des secrets anciens, enfouis depuis des siècles.
Mais ce qui attira véritablement l’attention de Vincent, ce furent les symboles. Ils apparurent soudainement, flottant dans l’air autour de lui, comme s’ils avaient été tracés par une main invisible. Ils étaient étranges, complexes, et pourtant familiers. Vincent les avait déjà vus, il en était certain. Peut-être dans ses rêves, ou dans ces moments fugaces où son esprit vagabondait sans but précis. Ces symboles, d’un éclat doré, tournaient lentement autour de lui, dessinant des cercles parfaits dans l’air. Il pouvait presque les toucher, sentir l’énergie qui en émanait.
Son torse se mit à picoter, comme s’il réagissait à la présence des symboles. Il porta instinctivement sa main à sa marque, ressentant une chaleur qui irradiait doucement sous ses doigts. La connexion entre lui et ces symboles se renforçait à chaque seconde, comme s’ils tentaient de lui transmettre un message, une connaissance ancienne qui dépassait son entendement. Il pouvait presque entendre des murmures, des voix lointaines, chuchotant des mots dans une langue qu’il ne comprenait pas, mais qui résonnait au plus profond de son être.
Vincent sentit alors une force irrésistible le pousser à se rendre dans cette forêt. Ce n’était pas une simple envie ou une curiosité passagère, mais une véritable nécessité. Comme si quelque chose, ou quelqu’un, l’appelait depuis les profondeurs de la forêt, l’attirant inexorablement vers ce lieu sacré. Il savait, au plus profond de lui, que cette forêt détenait des réponses. Des réponses aux questions qui tourmentaient son esprit depuis des jours, des réponses sur sa marque, ses visions, et le lien mystérieux qui semblait l’unir à ce monde qu’il ne comprenait pas encore.
Il ferma les yeux un instant, laissant la vision envahir tous ses sens. Lorsqu’il les rouvrit, le monde réel lui sembla soudainement fade, dénué de la magie qu’il venait d’entrevoir. Mais cette vision, bien que fugitive, avait laissé une empreinte indélébile dans son esprit. Il savait qu’il devait suivre cet appel, qu’il devait se rendre dans la forêt Émeraude, et découvrir ce qui l’attendait là-bas. Sans cela, il serait incapable de trouver la paix, incapable de comprendre ce qu’il était véritablement.
Après les cours, Vincent ne perdit pas de temps. Son esprit était fixé sur un seul objectif : la forêt Émeraude. Chaque pas qu'il faisait semblait être guidé par une force invisible, comme si ses pieds connaissaient déjà le chemin avant même que son esprit en prenne conscience. Il avançait d’un pas déterminé, son sac jeté sur l’épaule, les pensées en ébullition. L'air se faisait plus frais à mesure qu'il s'éloignait du centre-ville, laissant derrière lui le bruit des voitures et des conversations pour entrer dans une zone de calme presque surnaturel.
Lorsqu'il atteignit les premiers arbres de la forêt, une étrange sensation l’envahit, mêlée d'une certaine appréhension. Les arbres, hauts et majestueux, semblaient le regarder arriver, leurs branches formant une voûte naturelle au-dessus de lui. Les feuilles bruissaient doucement sous le vent, comme si elles chuchotaient des secrets anciens, oubliés de tous sauf de ceux qui osaient pénétrer en ces lieux. Chaque bruit, chaque craquement de branche sous ses pieds, résonnait avec une intensité inhabituelle, comme si la forêt elle-même l’observait, l’évaluait.
Vincent s’enfonça plus profondément dans la forêt, les arbres devenant de plus en plus denses autour de lui. Le chemin, à peine discernable, semblait se dessiner devant lui, guidé par une intuition inexplicable qui le poussait à avancer sans hésitation. C’était comme si la forêt elle-même lui ouvrait le passage, déplaçant les buissons et les branches pour lui permettre de progresser. Il se sentait accueilli, presque invité, dans cet espace qui, bien que familier, demeurait imprégné d'une aura de mystère.
La lumière du jour faiblissait, filtrant à travers les épais feuillages en de fins rayons dorés qui se faufilaient jusqu’au sol. L’atmosphère devenait de plus en plus étrange, à la fois paisible et lourde de promesses. Vincent avait l'impression que le temps s'écoulait différemment ici, chaque seconde s'étirant, chaque pas le rapprochant de quelque chose d'inévitable. Les sons de la forêt s’étaient estompés, ne laissant place qu’à un silence presque sacré, où le moindre souffle de vent semblait porteur de mystère.
Après une longue marche, il arriva finalement à une clairière. Le contraste entre la densité de la forêt et cet espace ouvert était saisissant. Les arbres s’écartaient ici, formant un cercle parfait autour d’un arbre central, imposant et majestueux. Cet arbre n’était pas comme les autres. Son tronc était massif, d’une épaisseur qui témoignait de son âge vénérable. Sa ramure s’étendait haut dans le ciel, ses branches semblant toucher les nuages.
Mais ce qui retint surtout l’attention de Vincent, ce furent les symboles gravés dans l’écorce de l’arbre. Ils luisaient faiblement, comme si une lumière intérieure les animait. Ces symboles étaient identiques à ceux qu’il avait vus dans ses visions, gravés avec une précision qui semblait défier le temps. Chaque ligne, chaque courbe, avait une signification que Vincent ne comprenait pas encore, mais il savait, au plus profond de lui, que cet arbre détenait une importance capitale. Il était la clé de quelque chose de bien plus grand, de bien plus ancien que tout ce qu'il avait pu imaginer.
Vincent s'approcha lentement de l’arbre, sentant une connexion grandir en lui. C'était comme si cet arbre l’appelait, résonnant avec la marque sur son front. Les pulsations de la marque semblaient se synchroniser avec la lueur des symboles, renforçant ce lien mystérieux qui les unissait. Il tendit la main, hésitant un instant avant de laisser ses doigts effleurer l’écorce. Au contact, une vague d’énergie traversa son corps, une énergie à la fois douce et puissante, qui fit trembler ses membres et accéléra les battements de son cœur. Les visions, les rêves, les symboles… tout semblait converger vers cet instant précis.
Il savait, sans l’ombre d’un doute, que ce moment marquait le début de quelque chose d’immense, d’irréversible. Le passé, le présent, l’avenir… tout était lié à cet arbre, à ces symboles, et à lui. Vincent prit une profonde inspiration, se préparant à ce qui allait suivre, sachant que rien ne serait plus jamais pareil.
Il se tenait face à l’arbre, sa présence imposante dominant la clairière. Le souffle court, il sentait son cœur battre de plus en plus fort, comme s'il résonnait au même rythme que les pulsations de la marque sur son front. Tout en lui lui disait de s'approcher, de répondre à l'appel silencieux mais irrésistible de cet arbre millénaire. Son esprit était envahi par une curiosité brûlante mêlée d'une peur instinctive, mais il savait qu'il ne pouvait plus reculer.
Lentement, presque en apesanteur, il leva la main. Ses doigts tremblaient légèrement alors qu'ils se rapprochaient de l'écorce. À chaque centimètre gagné, il sentait une chaleur émaner de l'arbre, comme si la nature elle-même était vivante, imprégnée d'une énergie ancienne et puissante. Il hésita un instant, son souffle suspendu dans l'air immobile de la clairière. Puis, avec une détermination nouvelle, il posa sa paume sur l'écorce rugueuse.
Aussitôt, une lumière d'une intensité inimaginable jaillit de l’arbre, enveloppant Vincent dans un tourbillon de blancheur éclatante. La lumière n'était pas simplement un éclat, c'était une présence, une force qui le pénétrait jusqu'à l'âme. Vincent sentit cette énergie le traverser de part en part, chaque cellule de son corps vibrant sous son influence. Il essaya de reculer, mais ses pieds semblaient collés au sol, comme si l'arbre et lui ne faisaient plus qu'un. C'était à la fois terrifiant et étrangement réconfortant.
La marque de son torse, qui jusque-là avait pulsé doucement, s’embrasa soudainement avec une intensité nouvelle. La douleur, vive et brûlante, le submergea, le forçant à fermer les yeux sous le choc. Mais cette douleur était étrange, elle n'était pas physique, mais spirituelle, comme si une partie de lui-même se réveillait, une partie qu’il n’avait jamais connue. La lumière qui émanait de la marque se mêla à celle de l’arbre, les deux se fondant en un faisceau unique, aveuglant tout autour.
Vincent tomba à genoux, submergé par cette force qu'il ne comprenait pas. Son esprit, jusque-là en ébullition, s'effaça, laissant place à des visions d'une clarté surnaturelle. Des images se succédaient à une vitesse fulgurante, chaque détail gravé avec une précision déconcertante dans son esprit. Il se voyait dans la forêt, mais cette fois, elle n'était pas aussi paisible. La végétation était dense, presque impénétrable, et tout semblait vibrant, comme si la nature elle-même le regardait.
Puis, un moine apparut dans son champ de vision. Vêtu d’une robe simple, ses traits étaient marqués par une sagesse infinie, son visage une énigme de sérénité et de puissance. Ses yeux, perçants, semblaient scruter l’âme de Vincent. Le moine tenait un coffret entre ses mains, un petit objet fait de bois et de métal, orné des mêmes symboles qui s’étaient gravés dans l’arbre. Le coffret était enveloppé d'une aura lumineuse, semblant à la fois ancien et rempli d'un pouvoir incommensurable.
La vision devint de plus en plus nette, et le coffret mystérieux sembla se rapprocher inexorablement de Vincent. À mesure qu'il s’approchait, chaque gravure sur la surface de l'objet, chaque motif finement ciselé dans le métal ancien, devint visible. Le coffret était petit en apparence, à peine plus grand qu’un livre de poche, mais il émanait une gravité écrasante, comme s'il contenait le poids des siècles, chargé de secrets oubliés depuis des générations. Les symboles gravés sur les côtés semblaient pulser, vivants, murmurant des histoires que personne n’avait osé raconter depuis des millénaires.
Soudain, dans un silence oppressant, le couvercle du coffret commença à s'entrouvrir lentement, émettant un craquement presque imperceptible. À l'intérieur, une lueur d'une intensité indescriptible jaillit, éclipsant instantanément celle de l'arbre mystérieux autour de lui. C'était une lumière pure, vibrante, mais d’une étrange consistance liquide, comme si elle possédait une forme tangible. Elle s’écoula du coffret avec une lenteur solennelle, se répandant autour de Vincent en vagues brillantes.
La lumière se déversa comme une mer phosphorescente, l'enveloppant de toute part, montant progressivement jusqu’à le submerger complètement. Elle ne brûlait pas, mais il pouvait sentir son pouvoir, une énergie ancienne et insondable, s’insinuer en lui, ébranlant ses sens, brouillant les frontières entre la réalité et ce rêve étrange. Il était à la fois effrayé et fasciné, incapable de détourner les yeux alors que cette lumière liquide semblait pénétrer son âme même, révélant des vérités cachées qu'il n'était peut-être pas prêt à affronter.
Des mots qu'il ne comprenait pas commencèrent à résonner dans sa tête, comme des échos lointains d'une langue ancienne, depuis longtemps tombée dans l'oubli. Les syllabes étaient étranges, gutturales, mais empreintes d’une solennité indéfinissable. Chaque mot vibrait en lui, non pas à travers ses oreilles, mais directement dans son esprit, comme si ces sons mystérieux s’adressaient non pas à son intellect, mais à son âme. Il pouvait presque sentir le poids de leur signification, même s’il était incapable de les traduire. Ces paroles semblaient vieilles comme le monde, porteuses d’une sagesse et d’un danger inimaginables.
Alors, aussi soudainement qu'elles étaient apparues, les visions se retirèrent, comme une vague se retirant brusquement de la rive. En un instant, tout s’évanouit. La lumière, si vive quelques secondes auparavant, s'éteignit comme si elle n'avait jamais existé. La douleur sourde qui avait envahi son corps se dissipa tout aussi rapidement, comme un mauvais rêve qui s'efface au réveil. Vincent, désorienté, se retrouva dans l'obscurité la plus totale, seul avec le bruit de son propre souffle saccadé.
Quand ses yeux commencèrent à s’adapter à la pénombre, il réalisa qu’il était de retour dans la clairière, à genoux sur le sol humide. Son cœur battait encore furieusement dans sa poitrine, et ses mains tremblaient légèrement. L'arbre, ce géant imposant et énigmatique, se dressait toujours devant lui, immobile et silencieux, comme s'il n'avait jamais été le théâtre des événements surnaturels qu’il venait de vivre. Rien dans l'apparence de l'arbre ne trahissait ce qui venait de se passer. Tout semblait redevenu normal, mais Vincent savait, au plus profond de lui, que rien ne serait jamais plus pareil.
Mais Vincent le savait. Quelque chose au fond de lui avait changé de manière irrévocable, quelque chose de profond et de fondamental. Ce n'était pas qu'une simple impression ; il le sentait dans chaque fibre de son être. Une force nouvelle circulait en lui, subtile mais palpable, comme une énergie dormant sous la surface, prête à jaillir à tout moment. Il était plus alerte, plus conscient de ce qui l'entourait, comme si ses sens s’étaient affinés, et pourtant, cette clarté nouvelle était accompagnée d’une peur sourde, ancrée dans ses entrailles. Une peur d’une nature différente, non pas de ce qu’il avait vu, mais de ce que cela signifiait pour lui.
D'un geste hésitant, il porta la main à son torse, là où il savait que la marque se trouvait. Elle était toujours présente, mais elle avait changé. Elle ne palpitait plus avec la douleur sourde qu'il avait ressentie plus tôt, mais restait chaude sous ses doigts, comme une braise encore vivante, enfouie sous la cendre. Ce n'était pas une sensation de brûlure, mais plutôt une chaleur réconfortante, étrange, comme si cette marque faisait maintenant partie de lui, liée à lui de façon indélébile.
Tout ce qu'il venait de vivre défilait encore dans son esprit. Ce n'était pas un rêve, il en était certain. Chaque détail, chaque sensation restait gravé en lui avec une clarté effrayante. C'était bien réel, et Vincent comprenait que cela ne marquait pas simplement la fin de cette étrange rencontre, mais plutôt le début d'un voyage bien plus vaste et imprévisible. Un voyage auquel il n’avait jamais osé penser auparavant, un chemin qu'il n'aurait jamais imaginé emprunter. Et pourtant, il savait au plus profond de lui qu'il n'avait pas le choix. Sa vie venait de basculer dans une nouvelle réalité, et rien ne serait plus jamais pareil.