AZURI

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L’histoire qui suit s’inspire de faits réels, dans le pays fictif de la Nouvelle France.

 

Je la dédie à ma famille et au nom de la vérité et de l’égalité des genres. 

Je la dédie également à mes amis qui m’ont fait vivre la plus belle des adolescences.

 

Si vous êtes témoins ou victimes de violences intrafamiliales, tentez de rompre le silence. Joignez la police au 17 ou au numéro d'écoute, d'information et d'orientation pour les femmes : 3919 (appel gratuit). Appelez également en cas de besoin le 119, Allô enfance en danger (Appel gratuit).

 

Age de lecture recommandé : dès 14 ans 

Chapitre 1 : Une rentrée pas comme les autres

 

2 Septembre 2003

 

Vincent se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre. La sueur perlait sur son front, et les échos d’un cri déchirant résonnaient encore dans sa tête. Il s’assit dans son lit, les mains tremblantes, tentant de reprendre son souffle. Une sensation de brûlure sur son torse, comme si on le marquait au fer chaud, le lancinait fortement. Depuis des semaines, ces visions le hantaient : un moine terrifié, courant à travers une forêt sombre, serrant un coffret contre lui. Chaque nuit, les détails semblaient devenir plus clairs, plus réels. Les arbres menaçants, le souffle haletant du moine, et ce coffret mystérieux, tout semblait d'une précision effrayante.

 

Vincent jeta un coup d’œil à son réveil. 6h30. Dehors, les premières lueurs de l’aube commençaient à poindre, baignant Azuri dans une douce lumière rosée. Il se leva, sachant qu’il ne pourrait pas se rendormir. Aujourd’hui marquait le début de sa première année au lycée d’Azuri. Il enfila ses vêtements, attrapa son sac et descendit les escaliers, évitant de faire du bruit. Chaque marche grinçait sous son poids, résonnant dans la maison silencieuse.

 

La cuisine était plongée dans une tension palpable. Son père, assis à la table, fixait le vide d’un air absent. Les cernes sous ses yeux témoignaient de nuits sans sommeil. Vincent savait qu’il valait mieux ne pas attirer son attention. Il attrapa une pomme sur le comptoir et sortit précipitamment, évitant de croiser son regard.

 

L’air frais du matin l’accueillit, apaisant quelque peu son esprit tourmenté. Azuri, avec ses montagnes imposantes d’un côté et l’océan tumultueux de l’autre, était un lieu magnifique mais chargé de mystères.

 

Azuri était une ville nichée dans les collines verdoyantes de la Nouvelle France, un pays indépendant coincé entre Los Angeles et Tijuana au Mexique. Ce territoire, autrefois disputé par les Etats-unis et la France, avait façonné  une identité unique. La Nouvelle France était un endroit à part, où l'histoire et la modernité se mêlaient dans un étrange équilibre.

 

La ville d'Azuri, avec son architecture aux influences méditerranéennes, hispanniques et grecques, se distinguait par ses couleurs vives et ses rues pavées. Les maisons, peintes dans des tons chauds, se dressaient en terrasses face à la mer, tandis que la montagne et la forêt Émeraude dominaient l'arrière-plan, offrant un cadre naturel d'une beauté saisissante.

 

Malgré sa petite taille, Azuri était connue pour ses mystères et son atmosphère presque surnaturelle. Les habitants parlaient souvent de phénomènes étranges qui se produisaient dans les recoins les plus reculés de la ville. Les bruits couraient que les terres autour d'Azuri abritaient des secrets anciens, des légendes oubliées qui attiraient autant qu'elles repoussaient.

 

La vie à Azuri semblait paisible en surface, mais Vincent savait qu'il en était autrement. En marchant dans les rues, il ressentait parfois une tension sous-jacente, comme si la ville elle-même retenait son souffle, attendant que quelque chose se déclenche. Loin des tumultes des grandes métropoles américaines, Azuri cultivait une ambiance énigmatique, propice à l'émergence de récits fantastiques et d'aventures inédites. C'était un lieu où l'ordinaire et l'extraordinaire se côtoyaient, où chaque coin de rue pouvait cacher un mystère.

 

Vincent marchait vers l’arrêt de bus, ses pensées revenant sans cesse à ses cauchemars et à cette sensation de brûlure persistante sur son front. 

 

Le bus scolaire s’arrêta devant lui et il monta, cherchant Kristen . Elle lui avait gardé une place près d’elle. Kristen Tinnot, avec ses cheveux châtain clair et ses yeux verts pétillants, affichait toujours un sourire éclatant. Elle le salua avec enthousiasme.

« Salut, Vin’. Prêt pour cette nouvelle année ? »

Vincent haussa les épaules, tentant de dissimuler son inquiétude. « Aussi prêt que possible. Et toi ? »

Kristen sourit de plus belle. « Absolument. J’espère qu’on sera dans la même classe. »

 

Le bus les emmena jusqu’au lycée d’Azuri, un imposant bâtiment de style grec, avec ses colonnes blanches et ses vastes cours. Les élèves se regroupaient déjà devant les grilles, discutant de leurs vacances et des nouveautés à venir. Kristen, toujours vive, racontait ses vacances avec enthousiasme, mais Vincent avait du mal à se concentrer. Ses pensées dérivaient sans cesse vers les visions nocturnes et cette mystérieuse brûlure au front.

 

Vincent et Kristen descendirent du bus et se dirigèrent vers le tableau d’affichage pour découvrir leur classe. La cour était animée, remplie d’élèves excités par cette nouvelle année scolaire. Vincent parcourut la liste des noms jusqu’à trouver le sien.

« 3ème 6, c’est ici », dit-il en pointant du doigt. Kristen chercha son nom à son tour et poussa un cri de joie. « On est ensemble ! »

Ils se frayèrent un chemin à travers la foule, se dirigeant vers le bâtiment principal. La façade du lycée, avec ses colonnes imposantes et ses statues grecques, semblait les observer avec gravité. Vincent ne put s’empêcher de ressentir un frisson d’excitation et d’appréhension.

 

À l’intérieur, les élèves prenaient place, certains échangeant des salutations, d’autres cherchant des visages familiers. Vincent s’installa à côté d’un garçon au visage pâle et aux cheveux noirs en bataille, car c'était la dernière place disponible. Le garçon évitait soigneusement de croiser son regard, ses épaules voûtées trahissant sa timidité. Vincent sentit une pointe de sympathie pour lui.

Kristen, quant à elle, s’assit à côté d’une fille blonde aux yeux bleus perçants. La fille lui sourit furtivement.

Kristen lui rendit son sourire. « Je m’appelle Kristen. »

« Moi c’est Amélie », lui répondit l’adolescente.

 

Alors que Vincent sortait ses affaires, il remarqua une silhouette qu’il connaissait juste devant lui au premier rang. Ses longs cheveux noirs ondulés et sa peau claire lui donnaient une allure presque surnaturelle. Alicia Lorandi était la fille la plus populaire au collège, mais elle ne semblait pas le savoir. Vincent sentit son cœur battre un peu plus fort en la voyant. 

 

Vincent connaissait Alicia depuis la 6ème. Ils s'étaient rapprochés durant les cours de Volley du mercredi après-midi. C’était la première fois hormis Kristen que quelqu'un lui avait accordé de la valeur. Un jour en 4ème, le cœur battant, il avait rassemblé tout son courage pour enfin lui parler. Mais avant même qu’il ne puisse prononcer un mot, il avait vu Alicia, main dans la main avec un autre garçon. Nolan, qui était en 2nde, un génie populaire et imbu de lui-même. La manière dont elle le regardait, avec cette étincelle d'admiration dans les yeux, brisa quelque chose en Vincent.

 

Il s’était tenu là, paralysé, observant la scène comme s’il n’en faisait plus partie. Le sourire d’Alicia, qu’il chérissait tant, était désormais destiné à quelqu’un d’autre. Cette réalité l’avait frappé de plein fouet, le laissant avec un goût amer dans la bouche.

Vincent s’était forcé à sourire et à agir comme si de rien n’était, mais à l’intérieur, il sentait une fissure grandir. Ses rêves d’être avec Alicia, d’être celui qui la ferait sourire, s’étaient envolés en un instant. Depuis ce jour, Vincent avait appris à cacher ses sentiments, à les enfermer au plus profond de lui. Il continuait de l’apprécier en silence, se contentant d’être son ami puis juste une connaissance avec le temps, tout en sachant qu’il ne pourrait jamais être plus que cela.

 

La cloche sonna et le professeur entra. C’était une femme d’une cinquantaine d’années, avec des cheveux ébène et des yeux d’un noir profond. Elle se présenta sous le nom de Madame Fibbs et commença à faire l’appel. Sa voix était ferme, autoritaire, mais il y avait une chaleur sous-jacente qui rassura quelque peu les élèves.

 

Vincent senti un Frisson monter en lui. Il ne savait pas pourquoi mais l’entrée de la professeure avait provoqué ce même sentiment qu’il avait eu la nuit dernière.

 

« Bienvenue à tous en troisième. Je suis Madame Fibbs, votre professeur principal. Aujourd’hui, nous allons faire une visite du lycée pour vous familiariser avec les lieux. »

 

Après avoir fini l'appel, Madame Fibbs annonça qu'elle allait faire visiter le lycée aux élèves. Vincent en profita pour se rapprocher d'Alicia. « Salut Alicia, je suis content de te revoir », dit-il, essayant de paraître détendu.

Alicia lui sourit. « Salut Vincent. Moi aussi. J’ai failli ne pas te reconnaître tout à l’heure, tu es grand!  ».

 

L’adolescente avait toujours ce sourire de considération. Vincent en avait toujours bavé au collège. Il était petit et bien en chair avec la voix fluette, et que les voyous de la classe martyrisaient à longueur de temps. en 4ème il avait décidé que cela suffisait. Il ne pouvait pas subir l’ambiance de la maison et les brimades de camarades qui dans tous les cas ne feraient plus partie de son avenir un jour ou l’autre. Puis l’été dernier il avait grandi d’une quinzaine de centimètres, il s’était affiné et sa voix n’était plus fluette mais douce.  

 

La visite des lieux les mena à travers les différentes ailes du bâtiment, des salles de classe aux laboratoires, en passant par la bibliothèque et le gymnase. Chaque coin du lycée semblait avoir son propre caractère, une histoire à raconter.

Cependant, au fur et à mesure que la visite progressait, Vincent commença à se sentir vaseux. Une sensation de vertige s'empara de lui, rendant ses pas hésitants. Les voix de ses camarades devenaient de plus en plus lointaines, comme s'il se trouvait sous l'eau. Il tenta de se concentrer sur la voix de Madame Fibbs, mais tout semblait flou, irréel.

 

Une fois la journée terminée, Vincent décida de rentrer chez lui à pied pour essayer de clarifier ses pensées. En traversant un parc désert, il s'arrêta brusquement, sa vision se brouillant. Il tenta de continuer, mais une violente vision s'empara de lui. Il s'effondra au sol, inconscient. La vision était plus intense que jamais. Il se voyait à la place du moine, courant à travers la forêt, le coffret pesant lourdement dans ses bras. Des ombres menaçantes semblaient le poursuivre, des murmures incompréhensibles résonnaient autour de lui. La sensation de brûlure sur son torse devenait insupportable, comme si elle le transperçait.

 

Lorsqu'il ouvrit les yeux, il vit Evan penché au-dessus de lui, l'air inquiet. « Vincent, tu vas bien ? » demanda-t-il, la voix tremblante. Evan, malgré sa timidité, avait accouru dès qu'il avait vu Vincent s'effondrer.

Vincent hocha faiblement la tête. « Oui... ça va aller. » Il tenta de se redresser, mais ses jambes étaient encore faibles.

Evan l'aida à se lever, son visage exprimant une profonde inquiétude. « Tu es sûr ? Tu devrais peut-être voir un médecin. »

Se redressant avec difficulté, Vincent se força à sourire. « Merci, Evan. Je vais rentrer maintenant. » Il se remit sur ses pieds et se précipita vers chez lui, encore secoué par ce qui venait de se passer. Son esprit bourdonnait de questions sans réponses.

 

En franchissant la porte de sa maison, il n'eut pas le temps de réagir avant de recevoir une gifle cinglante de son père. « C’est l’bordel ici ! » hurla-t-il, la rage déformant ses traits. Vincent baissa les yeux, le visage en feu, ne trouvant pas les mots pour se défendre.

 

Il se réfugia dans sa chambre, la porte claquant derrière lui. Assis sur son lit, il sentit les larmes monter. La douleur physique était moindre comparée à l'angoisse qui le rongeait. Pourquoi ces visions ? Pourquoi maintenant ? Et pourquoi devait-il faire face à tout cela seul ? Les réponses semblaient hors de portée, mais il savait qu'il devait continuer à chercher, à comprendre. Sa vie en dépendait.